EX ethical design certification

Dans un précédent billet, je décrivais les objectifs, la base scientifique et les moyens du persuasive design comme discipline. En une phrase, le persuasive design pousse l’utilisateur dans son interaction à un comportement souhaité et s’appuie pour cela sur des besoins psychologiques de base, formalisés dans la théorie d’autodétermination.  Les dangers d’une telle science appliquée sont ceux d’une manipulation (le libre-arbitre de l’usager est mis à mal), massive (les interfaces homme-machine sont mondialement déployées) et intrusive (le persuasive design est mis en place dans des interfaces de communication et de santé et atteint donc l’intimité et la sphère privée). Cet état de fait établi, nous avons relevé que les motivations derrière l’application du persuasive design consistent à maintenir l’attention de l’usager, capter les données afférentes et générer du profit (pragmatique businessman).

stampel de la certification éthique ux design

L’équipe de ethix.ch, laboratoire pour l’innovation éthique situé à Zürich, a publié une annonce rédigée par Scarlett Eisenhauer sur le développement d’un label de design éthique. Comment s’y prennent-elles/ils? Quel forme revêt ce label?

Le même constat

Les observations qui motivent la création d’un label de design éthique sont semblables à ce que j’ai écrit dans mon précédent billet. Le designer et l’activité même de designer n’est pas à blâmer ici. C’est la logique marchande sous-jacente qui pousse à l’abus et la manipulation.

découverte d’un concept 🙂

Certains des mécanismes que j’ai décrit à l’origine de cette manipulation se retrouvent dans le concept de dark patterns:

Dark Patterns are tricks used in websites and apps that make you do things that you didn’t mean to, like buying or signing up for something.

Sur ce site et son compte Twitter sont décrits et listés de nombreux dark patterns. L’objectif des designers derrière ce projet est de sensibiliser les usagers sur cette pratique pateline et mettre sous pression les entreprises incriminées. La vidéo de présentation illustre à merveille le cauchemar d’interaction que peuvent constituer les dark patterns:

Les dark patterns ne constituent pas les seuls moyens du persuasive design. Les dark patterns ne s’appuient également pas tous sur les mécanismes de motivation de la théorie de l’autodétermination. L’exemple de la désinscription Amazon rappelle plus le dédale bureaucratique qu’il n’applique de psychologie sournoise:

Quitter Amazon, ou la maison qui rend fou.

L’approche

Partant de ces observations, l’auteure donne une première piste qui consiste à relever la présence de dark patterns et attribuer un score à l’interface étudiée selon l’impact de ces dark patterns. Ce premier pas est insuffisant car les dark patterns ne sont pas l’unique manifestation d’un IxD malsain.

L’auteure s’appuie alors un composant majeur de l’éthique: les valeurs. L’autonomie, la solidarité et la non-discrimination par exemple forment en effet un cadre éthique à la discipline d’IxD, l’usage de persuasive design et  l’implémentation de dark patterns.

A ces valeurs se rajoute la nécessité de ne pas se limiter au résultat, mais considérer le processus de design dans son entier.

La question éthique rejoint ici celle de la sphère privée (privacy). Cette problématique plus ancienne a été recentrée à la fin du millénaire déjà autour du processus complet de développement logiciel. On ne peut pas au moment de livraison du produit demander: « Ah! Et au niveau de la sécurité de l’information, c’est tout bon? ». Ainsi des principes de privacy by design sont publiés en 2010 et intégrés dans le GDPR européen en 2018. Ainsi l’éthique emprunte le chemin ouvert par la privacy et l’on verra peut-être fleurir des principes et bonnes pratiques d’ethic by design? L’agent de produits non éthiques devient le garant d’éthique. Un retournement vertueux!

La citation

Parmi les professionnels et pratiquants interrogés sur l’éthique du design, le spécialiste UX Andreas Wolters écrit:

“Good design is when every decision during the design process is traceable and transparent”

Le processus de conception est bel et bien au centre de l’attention. En y infusant les valeurs de traçabilité et de transparence, le designer exige que les décisions de conception soient justifiées et versionnées.

Nous verrons plus bas comment cela est mis en pratique. Je souhaite tout de même m’arrêter plus longuement sur cette phrase de designer. Sortons un instant de l’univers numérique et appliquons cette affirmation sur d’autres processus. Que donnerait un processus politique (élection, votation, mandat public, etc…) dont les étapes sont traçables et transparentes? Comment se réaliserait la gestion d’une commune, de ses ressources et déchets si les processus inhérents étaient définis avec traçabilité et transparence? Par cette ouverture dans deux autres secteurs, je veux montrer la portée éthique fondamentale de cette définition morale d’un bon design.

La forme

L’approche définie, comment se réalise concrètement le EX User Design Label? Ethix propose un ensemble de 4 ateliers visant les équipes de conception et résultant à des stratégies de gestion de risque éthique. À cela se rajoute un évaluation graduée des interfaces en question dans leur version bêta.

La suite

Une telle offre pénétrera-t-elle le marché? Quelles sont les incentive qui motivera les développeurs de logiciels et leur clients à appliquer cette certification sur leurs produits?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *