Le nom du cyber

21Heures.ch est un compte sur Instagram dont la ligne éditoriale est implacable: des commentaires publiés sous les posts d’actualité de médias suisses romands sont repris hors contexte et agrémentés d’un portrait de l’auteurice. Cette prise de parole publique au sujet des cyberattaques est l’occasion pour moi de revenir sur l’opinion publique autour du numérique, ainsi que l’origine du préfixe cyber.

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Opinion du souverain

On pourrait donner une intention d’affichage et de moquerie d’un individu en particulier. Ce n’est pas parce que cette personne ressemble étrangement aux personnages de ce clip. Cet avis partagé sur un réseau social m’intéresse pour ce qu’il représente d’une multitude d’individus. Il exemplifie l’avis de la masse.

Cette masse m’intéresse car avec elle je forme un peuple habitant la Suisse. Dans le système politique suisse, les citoyens et citoyennes forment avec leurs droits /devoirs de vote le souverain. Celleux qui détiennent l’autorité suprême prennent des décisions politiques au moins 4 fois par année. Il est donc bienvenue qu’ils et elles connaissent un peu les objets sur lesquelles iels votent.

Le numérique et les TIC de façon générales sont des objets de votation réguliers. Le 15 mai dernier, les Suisses se sont prononcés sur une révision de la loi fédérale sur la culture et la production cinématographiques. La nouvelle loi contient une taxe de 1% que les plateformes numériques (Netflix, Disney et consorts) devront payer sur leur recette nationale. L’année passée, c’est une gestion de l’identité numérique mitcha publique, mitcha privée que les citoyen·e·s suisses ont rejeté.

Mais bon, quel est le rapport entre le numérique et le cyber?

Étymologie

Selon wikitionnaire le cyber- est d’origine grecque. Il préfixe des mots ayant trait aux pensées ou activités humaines sur le réseau Internet ou tout simplement liées à l’informatique. Comme Internet est un second espace de création et interactions humaines, nous retrouvons le préfixe cyber– dans de nombreux néologismes:

liste de dérivés avec cyber-

S’il y a des cybercommerçants, il y aura des cybervoleurs que vont chasser les cyberpoliciers.

Agent de la paix avant tout

État de fait

De par sa nature, le numérique déploie ses effets spécifiques et étend sa logique propre, et reste cependant rattaché à une réalité humaine et physique. Cette affirmation est limpide et représente une réalité complexe. Les sciences humaines ont empoigné le problème à bras le corps par le double mouvement des humanités numériques.  Parfois le numérique se déploie et soutient des activités humaines en totale déconnexion avec la réalité: les transactions à haute fréquence en sont un exemple pitoyable. Aussi le numérique se déploie en accord avec l’esprit guerrier du temps (induit peut-être par le système patriarcal?) : la guerre, l’attaque et la « défense » sont des secteurs gourmands en progrès technologique (Ghernaouti, 2019).

Pour en savoir plus sur ce que le numérique fait à la guerre, et la guerre au numérique, faites-vous plaisir en écouter cet épisode de podcast sur la technologie:

De plus, le numérique compose des systèmes complexes et instaure des dépendances et interdépendances à la chaîne. C’est depuis le début du XXème siècle le bras droit de la mondialisation. En effet, plus besoin avec lui de construire des routes, creuser des canaux, fabriquer des immenses transporteurs terrestres, aériens et nautiques. L’information – et la donnée, sa valeur brute – nécessite des infrastructures bien plus étroites que pour transporter des humains et des biens.

C’est ainsi. Est-ce ainsi que le numérique devrait être? Comme la commentatrice épinglée par 21heures.ch, je suis d’avis que nous sommes allé trop loin. La critique nécessite pourtant des mécanismes moins arriérés que la xénophobie (terriblement) ordinaire et le rejet de l’anglais (surtout quand c’est du grec ancien). Penser global, agir local. Dans une société de l’abondance, recalibrer la production et la consommation selon les besoins. Distiller la sobriété dans le numérique qui est LE facteur déterminant de l’écocide que nous vivons actuellement (Flipo, 2020). Appliquer les principes d’économie circulaire au numérique en refusant l’achat d’équipement, réduisant leur usage, réparant les appareils et les reconditionnant.

Bref, indignons-nous, mais avec un minimum d’humanisme.

Bibliographie

Abbott, A. (2014). The Problem of Excess. Sociological Theory, 32(1), 1‑26. https://doi.org/10.1177/0735275114523419
Flipo, F. (2020). L’impératif de la sobriété numérique : L’enjeu des modes de vie. Éditions matériologiques.
Ghernaouti-Hélie, S. (2019). Cybersécurité : Analyser les risques : mettre en oeuvre les solutions. Dunod.
Ghernaouti, S. (2021). Le numérique doit réduire son empreinte environnementale. https://doi.org/10.5281/ZENODO.4604918
de la Porte, X. (2022). La cyberguerre n’aura pas lieu. https://www.franceinter.fr/emissions/le-code-a-change/la-cyberguerre-n-aura-pas-lieu

 

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